Kris Dane @ L’Archiduc – Ceci n’est pas un compte rendu…
Il y a des lieux auxquels on n’échappe pas. Aussi sûr que j’ai passé mon dimanche soir coincé dans un ascenceur de deux mètre carré ; mon destin était de passer ce lundi dans des circonstances encore plus étrange.
Il est 22h. B. et moi nous posons sur les banquettes élimées de l’Archiduc. Au milieu de la déco art-nouveau café, un tabouret et un micro. La serveuse. Jeune étudiante brune. Légèrement Erasmus sur les bords. N’a aucune idée de ce que signifie xO. N’a aucune idée de quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Elle est nouvelle. Ou peut être vient-elle d’une autre dimension, tout comme la plupart des gens que nous croiserons ici.
Un peu plus loin, un magicien. Chemise verte, pantalon et boléro rouge. Des filles passent le sas d’entrée. Deux d’entre elles s’asseyent près du magicien. Je fais signe à la troisième de s’assoir en face de nous. Elle acquiesce mais attend quelqu’un. Elle garde un sourire mystérieux et ne souhaites pas en dire plus. Soudain son sourire disparait. Elle pense l’avoir repéré dans la foule. Mais n’a pas l’air enchanté. L’homme approche, nous regarde d’un air suspicieux et embarque sa belle. Cette dernière nous rend un sourire embarrassé avant de s’éclipser.
On s’en fout nos verres viennent d’arriver. B. est déjà bien entamé et se lance dans le Ti’Punch. J’en reste pour ma part aux bières spéciales.
Kris monte enfin sur scène. Traits nerveux, cheveux sombres. La main gauche bandée. La guitare dans l’autre. La voix eraillée d’un Johnny Cash anversois. Il ne sera pourtant pas l’acteur principal de cette étrange soirée seulement un de ses protagonistes parmi d’autres.
Difficile de rester focalisé sur le concert de toute façon. Le mec à ma droite, artiste torturé, la quarantaine. Prend notes sur notes dans son calepin. Un grand type tout sec, la soixantaine tonique, cheveux blanc, lunettes, costume trois pièces, fait irruption dans la salle. Tend son bras et darde son index et son auriculaire vers l’assemblée qui n’y prête guère attention. Lance un « hello-fuck-yeah » qui ne récolte guère plus de suffrages et vient s’asseoir en face de nous. Je pense d’abord à un membre british de la commission qui a un peu forcé sur l’apéro. Il s’installe en maugérant du « hell yeah » et du « fuckin fuck fuck » à tout va. Commande un kir. « Okay, Prof ! », la réponse enjouée du serveur ne laisse aucun doute, c’est un habitué.
A une ou deux reprises, j’ai le malheur d’attarder mon regard un peu trop longtemps de son côté, ce qu’il interprète évidemment pour une invitation à la conversation :
– Hellooo ! Fuck yeah fuck…
– Hello, how are you ?
– Yeah fuck yeah… Rock’n roll. You know ? Fuck fuck yeah. Fuck them all…
– Yeah yeah, of course…
Je détourne les yeux vers mon acolyte, qui est d’ores et déjà mort de rire. On garde un œil sur le phénomène tout en poursuivant la conversation. Son kir lui est servi avec une patience infinie alors qu’il essaye de s’y retrouver dans sa liasse de billets de cinquante.
Kris poursuit son set, imperturbable. Un deuxième guitariste est venu à sa rescousse entre temps. Je n’arrive pas à saisir les paroles mais on devine des histoires tragiques d’amour et de mort.
Le prof s’emballe, esquisse trois pas de danse avec le guitariste, glisse un billet dans la chemise de Kris Dane. En revenant à sa place, il trébuche sur un Arno débonnaire. « Great guy, hell fuck yeah ».
Le concert se termine tant bien que mal, et finalement, on n’aura pas vu le temps passer. Nos verres sont vides, nos portefeuilles également. Deux possibilités s’offrent à nous : rentrer tranquillement à la maison ou se faire inviter par le Prof et poursuivre dans la voie de la débauche. Je vais pisser histoire d’y voir plus clair.
A mon retour, B. est attablé avec le Prof. Ce dernier parle en fait un français des plus corrects mais n’est plus vraiment en état d’aligner deux phrases cohérentes. Les voisins les regardent d’un air amusés lorsque je les rejoins. Tic, tac, la tournée est en marche. On apprendra qu’il a été marié, qu’il a une fille avec sa maîtresse et qu’il regrette de ne pas avoir eu plus d’enfant. Il voit clairement en nous une sorte de relève, on a intérêt à pondre dix gosses chacun ou ça va chier. Ben non mec, finalement on n’ira pas aux putes avec toi. Ton taxi est là. Ouais merci pour le verre.
Hell fuck yeah.
- Cet article a été publié le mercredi 18 février 2009 à 0:09 et est classé dans Non classé .
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