Hop hop hop…
Pas grand chose de neuf ce mois-ci, mis à part la découverte de Yoav qui sonne vraiment pas mal et qui commence à passer un peu en radio. D’ailleurs Tox est déjà sur les traces de ce guitariste qui risque bien de changer votre vision du R’n’B.
Il sera également question d’ouverture dans le reste de cet article qui me trottait dans la tête depuis un petit moment. Flash-back au début des années 2000 : parlons peu mais parlons rap. Alors qu’en France le style touche un public relativement large, en Belgique tu écoutes du rock OU du rap. Les deux genres souffrant des clichés véhiculés par les artistes les plus médiatisés, il semblerait que l’on soit dans une impasse digne d’une négociation communautaire.
Pourtant, voyant leur terrain de jeu de prédilection – le hip hop – réduit à un son formaté MCM, certains groupes français ont pris le maquis et fait sauter certains de ces clichés.
A grand coup de provocations plus ou moins subtiles mais toujours originales.
Atmosphère écarlate, souviens-toi des sons de la nourriture Concours de pyjama mental Il fait beau, demain ? J’ai mal Panique, le poil des abeilles, le parfum des algues moites Je n’en veux plus madame, je suis allergique aux extraterrestres…C’est sur ces paroles que s’ouvre Ceci n’est pas un disque, premier album de TTC sorti il y’a déjà de ça 6 ans. Rien qu’avec ça, on sait qu’on aura pas affaire à un album de hip-hop ordinaire. TTC ce sont Tido Berman, Teki Latex (le pitbull à voix de mickey) et Cuizinier, trois MC qui ont une vision radicalement différente de la Benz de NTM ou de l’Ecole du Micro d’Argent d’IAM – oui les noms de groupes en trois lettres ca fait fureur – qui avaient durablement marqué le rap français. TTC va donc innover dans le fond et dans la forme. Sur la plupart des morceaux les thèmes abordés donnent lieu à de grands moments d’écriture automatique. Les paroles sont parfois vulgaires, parfois violentes, souvent drôles mais toujours inspirées. Si le second degré ne vous rebute pas, vous finirez par découvrir de nombreuses subtilités après quelques écoutes.
A cet opus succèdera Batards sensibles, un album qui repousse les limites du bon goût très (trop) loin avec des paroles très mysogines (notamment Girlfriend et Du sang sur le dancefloor qui font partie des morceaux les plus crus qui m’aient été donné d’entendre – et dieu sait que j’en ai entendus 😀 ).
Les réactions de la gent féminine ne se sont pas fait attendre, allant d’une extrême à l’autre. Il est amusant de lire les analyses minutieuse de Titine (avec des termes tel que métonymie, synecdoque ou homéotéleute, ca devient vraiment jouissif) d’une part et d’autre part le morceau ridicule de Yelle. Même si Cuizinier prône le premier degré, impossible de dire si le groupe voulait tourner en dérision les clichés du rap ou s’ils espéraient réellement devenir des « bad boys »…
Ce qui fait l’unanimité par contre, ce sont ses instrus très travaillés. Comme sur le premier album, les morceaux ne sont pas de simples beats occultés par le flow des MC’s, ils possèdent chacun leur propre identité. Au point que la version purement instrumentale qui accompagne le deuxième album se laisse écouter comme un bon album d’électro.
En 2007, 3615 TTC reprend la même recette. Les paroles sont toujours aussi ambigües, entre ego-trip et kitch assumé. Que ce soit le minimalisme à la Pharell sur Quand je claque des doigts, le beat sautillant de Téléphone et surtout les loops qui rendent fou sur Turbo, les productions en jettent un max.
Autour de TTC gravite également deux autres collectifs hors norme :
- l’excellent projet de L’Atelier : Le Buffet des Anciens Elèves, un collectif (Teki Latex, Fuzati, Cyanure, James Delleck, Para One et Tacteel) qui pousse le coté hip hop expérimental encore plus loin. A coté de morceaux plus classiques (l’excellent « Le Hip Hop c’est mon pote ») on trouve des instrus délirant (« Yaourt-Placenta », « Acapella et Cathédrale », « All about Yves ») qui lorgnent plutot du coté… d’Aphex Twin !
- le Klub des Loosers ou les aventures de Fuzati, le rappeur poète et misanthrope (« N’y a-t-il que dans les crématoriums qu’on trouve de la chaleur humaine?« , « Maman disait souvent que la vie est une boîte de chocolats: à peine à la moitié, j’ai déjà envie de gerber!« … et bien d’autres perles du genre).
Le Klub des Loosers – La femme de Fer (« Il ne faut pas qu’elle baisse les bras, sinon ils vont frotter par terre… »).
Retour en 2002. Parallèlement à TTC, un autre outsider vient botter le cul du rap français. Apparaissant masqués et revendiquant leur appartenance à un certain C.R.O.U., Stupeflip souhaite, entre autre, « terroriser la population et par là meme instaurer une nouvelle ère, l’ère du Stup ». Pour ce faire, King Ju, tête pensante du groupe, a fumé un peu d’herbe de provence et composé Je fume pu d’shit, une merveille d’insolence et de cynisme. Contrairement à TTC, les morceaux sont très cheaps, « Y’a des orgues Bontempi et des caisses claires qui claquent » mais Stupeflip « ca t’agrippe, ça t’attrape et ça fait pas d’sentiment ». Les interludes nous dévoilent les traumatismes des différents membres du groupes (Pop Hip veut faire du rock comme Pascal Obispo, King Ju veut régler ses comptes avec le Système…). Et malgré leur structure des plus basiques, les 22 morceaux s’enchaînent de façon fluide, nous entraînant petit à petit dans leur univers tordu. Bien sur, il ne s’agit pas d’un chef d’oeuvre musical mais, on vite envie de connaître la suite des aventures paranoiaques du C.R.O.U. Ce sera donc avec plaisir qu’on remettra le couvert avec Stup Religion, deuxième et probablement dernier album du groupe qui a fini par se faire jetter par BMG en 2006. « T’as cru que Stupéflip c’était qu’un coup ? Un coup dans ta gueule ouais »…
Autres monstres, autre moeurs, les Svinkels se revendiquent C-réal Killers du punk, accro à la Kro (beurk !), créateurs du Slip-Hop. Pourtant les Svinkels ont beau se détruire (leur nom provient provient par exemple de la bière hollandaise Swinkel qui serait, parait-il, moins chère que la Cara), ils n’en sont pas moins accompagnés par DJ Pone – champion du monde du scratch avec Birdy Nam Nam – et produit par La Ouache, le label breton de Matmatah. Pour compléter la dream team, Gérard Baste a participé à l’écriture d’un célèbre morceau de Fatal Bazooka que la décence m’empêche de citer ici. Ce qui donne au final pas mal de bonnes rimes et de bonnes idées. Leur album le plus abouti à ce jour reste Bons pour l’Asile (2003) qui alterne morceaux graves (L’internazionale, Le Corbeau), bonnes torches (Happy Hour et Le plancher m’appelle, un Cabrel à la sauce -bière- Svink) et grosses fiestas (Dizy qu’il est fini, Le Svink c’est chic)…
Un live du Svink à Bruxelles (à voir surtout pour l’intro de DJ Pone)
Réveille le Punk…
En espérant vous avoir donné envie d’essayer un peu de rap alternatif, je vous dit à bientôt pour un article plus civilisé (attendez vous à quelques chroniques de concert !) 😉