Eels @ Cirque Royal

Mark Oliver Everett

« Hate a lot of things
But love a few things
And you are one of them
 »

Des paroles comme ca, Mark Oliver Everett (aka « E » tout simplement) en a plein son sac. Il les distille depuis une bonne dizaine d’années sur les 7 albums de Eels, un groupe américain dont il est le seul membre permanent. Avec une nouvelle tournée, la sortie d’un Greatest Hits Meet The Eels, d’une biographie et d’une compilation de 50 (!) inédits Useless Trinkets, ça fait pas mal de bonnes raisons de se pencher sur son cas.

La première chose qu’on constate, c’est que malgré leur hit « Novocaine for the soul » et quelques apparitions sur les BO de Shrek, Eels n’est pas très connu du grand public.

Certes l’univers que véhiculent ses paroles est assez sombre et déprimant. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, E met en scène ses coups de blues, le cancer de sa mère, le suicide de sa soeur sur des arrangements sautillants. De la pop (Beautiful Freak) au (hard-)rock (Souljacker) en fonction des albums, beaucoup de leurs morceaux sont finalement des singles potentiels, accessibles et accrocheurs.

Si on peut reprocher à E de se servir de ses drames familiaux comme (osons le terme) argument marketing, on ne peut cependant que s’incliner devant ses talents de compositeur et de songwriter. On retrouve aussi ce paradoxe dans sa carrière : cette ambiguité lui a permis de se construire une communauté de fans très active mais elle tient le groupe éloigné du succès commercial normalement associé à ce genre musique.

Par exemple, l’album « Electro-Shock Blues », considéré par de nombreux fans comme un chef d’oeuvre, s’ouvre sur une chanson qui reprend un extrait du journal intime de sa soeur :

« My name’s Elizabeth
My life is shit and piss
 »

Et pourtant, il garde toujours un certain humour (noir) ou un regard aigre-doux qui font qu’aucune chanson ne bascule vraiment dans le morbide.

Après avoir assisté à la tournée Eels with Strings (Eels en acoustique avec un quatuor à corde) il y’a trois ans et sachant que Eels revisite ses morceaux de manière différente à chaque tournée, je n’ai pas hésité une seconde avant de réserver ma place au Cirque Royal pour le concert d’hier soir (ndlr : si vous comptez voir Eels, durant cette tournée, ne lisez pas ce qui suit, ca risque de gâcher quelques surprises…).
E’s Journey La soirée commence par la projection du documentaire de la BBC E’s Journey – Parallel Worlds, Parallel Lives, une biographie croisée de la vie de E et de celle de son père Hugh Everett, le physicien à l’origine de la théorie des mondes parallèles. En partant sur les traces de Hugh, E découvre la physique quantique et surtout un père qu’il a peu cotoyé durant son enfance. Si vous comprenez l’anglais, que vous aimez la science et/ou Eels, n’hésitez pas à vous procurer ce docu, il est très bien ficelé.

Ensuite, le rideau tombe, le public attardé au bar rejoint sa place et la lumière s’éteint dans un Cirque Royal quasiment rempli.

E arrive sur scène seul avec sa guitare et donne le ton : tout comme « NIN is Trent Reznor », « Eels is E » et cet « Evening with Eels » sera plutot minimaliste. Après un morceau du dernier album à la guitare, Eels se met au piano avant d’être apostrophé par une voix d’outre-tombe tout droit tirée des Dix Commandements (Dieu ? Hugh Everett ?) : « Mark Oliver Everett, this is your life ». L’occasion pour E d’entamer quelques échanges humoristiques avec le public :

« If you don’t speak english, ask your friend to translate my words – Oh well, sorry, if you don’t understand english, you can’t understand what I just said ! » 😀

Arrive ensuite le reste de son groupe, qui tient en un seul et unique multi-instrumentiste qu’il introduit comme « The Chet ». Et tout au long du concert, ce fameux Chet va passer de la guitare à la batterie, de la batterie au piano, du piano à la scie (oui une bête scie égoïne, non pas le chien), de la scie au chant, le tout avec une aisance remarquable.

Sur la plupart des autres morceaux, E prouvera qu’il n’est pas un manchot non plus. Sur Flyswatter, le morceau de bravoure bien connu des fans en live, il ira même jusqu’à troquer son piano contre la batterie de Chet en plein morceau, la transition s’assurant sans rater un seul beat.

Du coup, ls nouveaux arrangements fonctionnent bien, à l’exception d’un Dog Faced Boy uniquement guitare qui manquait cruellement de punch.

« Would you prefer to be a genius scientist son or a rockstar ? ». Cette question introduit un autre interlude durant lequel E nous lira quelques unes des lettres écrites par ses fans, ainsi que des critiques de ses précédents shows. Constatant que ces dernières vantent surtout les talents de Chet, E lui demandera de lire un passage de sa biographie « Things the grandchildren should know » (marketing bien ordonné commence toujours pas soi-même !). Et en parlant des gentils fantômes (référence à la chanson « Friendly Ghost ») qui squattaient la maison familiale, il en profite pour relancer le spectacle avec « Last stop : This Town » qui reste un de mes morceaux préférés.

Outre les chansons les plus connues (« Beautiful Freak » au piano, « I like birds » au piano et à la batterie, « Novocaine For The Soul » à la batterie et à la scie, « Souljacker » au piano et à la scie), on aura également droit à quelques inédits (notamment « Dog’s life », alter ego de « Efil’s God », remarquez la subtilité 😉 ) et à pas mal de morceaux du dernier album.

La prestation se conclut par la voix off « Kid, you did well » et par deux rappels de la part d’un public finalement conquis par le barbu.

Si vous êtes toujours tenté, voici une petite discographie à écouter en fonction de votre humeur :

  • Beautiful Freak (pop)
  • Electro-Shock Blues (pop-rock)
  • Daisies of the Galaxy (plutôt pop)
  • Souljacker (rock plutôt hard)
  • Shootenanny! (soft rock)
  • Oh what a beautiful morning (très bon live)
  • Blinking Lights and Other Revelations (double album ambitieux, composé de 33 morceaux. Un peu répétitif à la première écoute, devient addictif si on persévère un peu…)

Sans oublier :

  • Cet article a été publié le mercredi 5 mars 2008 à 11:42 et est classé dans Concerts, J'adooooooore .

3 commentaires sur “Eels @ Cirque Royal”

  1. ToX dit :

    Alors là ! Je t’y attendais pas du tout ! Je tape « Eels Cirque Royal dans Google » et en deuxième résultat : The Good Times Are Killing Me ! ça me fait très plaisir.
    Quel plaisir aussi de retrouver un compte rendu aussi détaillé, jusqu’à la moindre citation.
    De mon côté, je ne connaissais pas grand chose de Eels, de mister E et de leur univers mais j’ai adoré le concert!
    A très bientôt!!!
    Thomas

    PS: Mon Internet Explorer ne sait pas poster de commentaires ici, après ‘Laisser un commentaire » c’est tout blanc, il n’y a plus rien. Par contre avec Firefox, pas de problèmes!

  2. manu dit :

    Héhé, la magie des meta tags 😉
    Alors comme ça tu étais là également ? Je compte sur toi pour arrêter de bouder et poster une chronique sur ton blog ! 😀

    Et merci de m’avoir signalé le bug sous IE, ça devrait être corrigé maintenant (si tu peux tester, n’hésites pas !).

  3. ToX dit :

    C’est corrigé!:) Quelle rapidité!
    Ma chronique de Eels est déjà rédigée en plus… mais je vais encore bouder quelques semaines 🙂
    A Menomena